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Pourquoi promouvoir des outils de paix ? Parce que la vie est courte, seul le lien guérit et rend heureux

Trauma Vicariant et Médiation

En quoi l’Analyse de Pratique peut-elle contribuer à surmonter un trauma vicariant ? On appelle ainsi un trauma subit non par l’exposition directe à une scène, mais par le récit qui en est fait. Par exemple, une personne, dans son cadre professionnel, recueillant un témoignage de violences subies. Ou écoutant un récit empreint de souffrances. Ou en étant le témoin impuissant d’une injustice marquante.

Bien sûr les conséquences de ce trauma ne sont pas les mêmes que celles vécues par les participants ou les victimes, mais elles ne sont ni mineures, ni secondaires. Une enquête menée auprès de travailleurs sociaux recevant des femmes victimes de violences conjugales, a révélé comment les barrières émotionnelles pouvaient être emportées, des images impactantes marquant l’esprit de façon répétitive. S’en suivent des troubles psychiques comme l’ébranlement de la confiance en soi, la fragilisation de ses valeurs les plus fortes, la peur, l’anxiété, une sensation de vide et d’amertume… Des conséquences physiques aussi, tels qu’un rythme cardiaque perturbé, un sommeil et une respiration difficile, une perte d’appétit.

Pendant longtemps, ces conséquences ont été minorées voire carrément ignorées. Tout professionnel ne doit-il pas savoir mettre une distance, contrôler ses propres émotions, rester efficace sans céder à la contagion émotionnelle ? Cependant, de très nombreux témoignages montrent, que même pour des professionnel.les expérimenté.es, le risque existe d’être un jour terrassé par une écoute.

Le trauma vicariant n’est pas forcément le fait d’un seul récit qui bouleverse, bien que cela soit tout à fait possible. Il est souvent le résultat d’une série de moments difficiles, d’écoutes empathiques : soudain ce récit là est un choc, la goutte faisant déborder le vase, provoquant la rupture des sécurités habituelles.

Il est possible que l’écoutant soit touché dans sa propre histoire, en miroir. Par exemple ce travailleur social reconnectant soudain avec la violence de son propre père. Il se peut aussi, que ce choc survienne dans une époque de stress, de fatigue, de lassitude : « Déjà avec tous mes problèmes je n’en pouvais plus, mais là c’était trop, ça s’est imprimé à moi, je me réveille la nuit avec ce récit dans les oreilles… »

Les médiateurs et médiatrices sont-ils concerné.es ? Oui, sans aucun doute. Tout conflit, et pas seulement familial, est source de souffrances et/ou de violences le plus souvent psychiques, et ce ne sont pas les plus faciles à encaisser. Le cadre de la médiation est protecteur pour tous les participants y compris le, la médiateur.e. Pour autant, il arrive qu’en Analyse de Pratique, l’un de nous s’ouvre au partage d’un tsunami intérieur ingérable.

C’est là que le partage, dans un climat de confiance, de paroles libres, sans jugements, ni critiques, ni imposition d’un point de vue, est si important. C’est en nous rencontrant dans nos liens humains que nous pouvons nous aider mutuellement à franchir ce cap difficile et, certainement, à en tirer des leçons.

J’aurai le plaisir d’intervenir le 2 octobre près de La Rochelle sur ce sujet au cours d’une journée professionnelle. Je vais y insister sur l’importance de l’outil qu’est l’Analyse de Pratique. Le meilleur moyen d’aider une personne soumise à ce trauma vicariant, est de lui permettre une expression libre, puis de revisiter les faits, la façon dont la scène s’est produite : qui, où, quand, comment ? Resituer le trauma reçu dans un espace de réalité mesurable, recontextualiser la scène dans son contexte professionnel, tirer des enseignements pour le futur, chercher ensemble des hypothèses d’action lorsque cela est possible.

Car, de l’avis de nombreux professionnels, c’est le sentiment d’impuissance qui provoque les effets les plus pervers, par la démotivation et la désillusion engendrées.