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L’Analyse de Pratique ?

Des groupes d’Analyse de Pratique se forment dans de multiples secteurs : pédagogie et éducation, psycho-social, hospitalier, communication, formation… avec des différences quant aux types de dispositif et d’approche.

Qu’appelle-t-on l’Analyse de Pratique ?

Dans les années 1940, le Service de Santé de la Grande-Bretagne désire apporter une formation complémentaire aux médecins généralistes. Plutôt que de proposer cours et conférences, Michaël Balint, médecin et psychanalyste, invente un dispositif original de formation. Il s’agit de réunir un petit groupe de professionnels qualifiés et d’inviter à tour de rôle les participants à parler des situations rencontrées dans leur expérience professionnelle. Contrairement à ce qui est parfois affirmé, la visée des groupes Balint n’était pas thérapeutique mais bien formative.[1] Le groupe dit “Balint” est un groupe “auto-apprenant” par l’analyse réciproque des situations et des solutions trouvées.

Dans le domaine de la psychosociologie des années 60, se forge le concept de la « recherche-action ». Il s’agit de considérer l’action (la praxis) et la recherche, comme une boucle récursive (selon le terme de Michel Bataille) se nourrissant l’une et l’autre dans un mouvement permanent dont le centre de gravité est le professionnel sur le terrain. En d’autres termes, on ne peut dissocier la personne qui mène l’action et l’action elle-même transformant le réel et ramenant l’acteur vers de nouvelles considérations de recherche.

Ces deux approches sont nées de la crainte – et d’un constat –  de ruptures entre, d’une part des théories “hors sols” créant des normes conventionnelles, et, d’autre part, le travail de terrain soumis à de multiples variations. C’est aussi l’affirmation de la possibilité pour les professionnels d’actualiser leurs connaissances par un retour d’analyse à partir de leurs propres expériences, faisant réellement d’eux des « chercheurs-acteurs ».

Les approches pédagogiques développées dans ces groupes se réfèrent essentiellement aux méthodes ouvertes et participatives, pensées et appliquées dès la fin du XIXe siècle (Demolins, Ferrer, Montessori, Freinet, Korcsak…) D’abord conçues et réalisées pour les enfants, ces méthodes sont rapidement diffusées dans la formation pour adultes (Universités populaires, Académies, Associations d’éducation populaire…)  La formation se pense alors comme un accompagnement de la personne devenant elle-même un participant actif de sa propre formation, au contraire de la méthode des cours magistraux. L’élève est valorisé dans son propre savoir issu de ses expériences, culture, particularismes. C’est à partir de ce socle que sont pensées les transmissions des nouveaux savoirs. Davantage que de simples méthodes, il s’agit pour tous ces pédagogues d’un déplacement fondamental de la position d’enseignant « de l’estrade du Maître à la table de travail ouverte et participative ».

L’Analyse de Pratique (qu’on pourrait appeler analyse des façons de faire et d’être en tant que professionnel) est née de la confluence de ces différents mouvements, dès les années 60 notamment dans le domaine social et hospitalier.

En médiation, comme en formation, et d’une façon générale dans le monde de l’éducation et de la psychologie, l’Analyse de Pratique est un moment de réflexion collective à partir du récit d’une action.

Le groupe se forme pour quelques heures dans l’intention de de réfléchir ensemble, coopérer, apprendre les uns des autres, apprendre sur soi, encourager et soutenir. On peut dire que le groupe, par son écoute et son effet miroir, se fait tiers entre le professionnel et son récit, l’aidant à clarifier sa démarche. En retour, chaque participant apprend de ce qui a été fait (l’expérience récit) mais aussi de ce qui se passe dans l’échange entre les membres (ce que tous ensemble nous produisons maintenant).

Les objectifs

  • rencontrer ses pairs
  • analyser les situations rencontrées, passées et présentes
  • préparer des situations à venir
  • échanger et réfléchir sur les méthodes, processus, positionnement
  • mettre en commun les retours d’expériences par l’évaluation des conséquences
  • comparer des approches différentes
  • vérifier la pertinence et la cohérence des approches professionnelles
  • accroître l’expertise de chacun
  • partager des informations pratiques et théoriques
  • partager des apports théoriques, des outils
  • et tout autre sujet pouvant surgir dans la pratique des professionnels présents

Le groupe développe ainsi sa propre capacité à être « auto-apprenant » par l’analyse du « faire » dans un esprit de formation permanente.

L’Analyse de Pratique s’est développée comme un outil de professionnalisation pour :

– L’évolution des personnes : grâce au travail en groupe, elles apprennent ou développent ou affinent des compétences avec une prise de recul par rapport à l’action

– Le développement de l’action professionnelle elle-même : par le retour d’expériences, de nouvelles pratiques peuvent être repérées, comparées, expérimentées, améliorées

– Le développement des organisations : le retour des professionnels contribue à améliorer l’organisation dont ils dépendent (groupement, entreprise, centre de formation, association…) en lui permettant de s’adapter aux changements par les remontées informatives venues du public rencontré.

De telles compétences, basées sur l’actualité de la réalité, sont actuellement fortement valorisées dans les systèmes de travail nécessitant une adaptabilité importante, puisqu’elles permettent aux postures professionnelles, aux activités, aux organisations, de changer plus facilement les modes opératoires, de se rendre plus souples aux changements.

C’est pourquoi l’Analyse des Pratiques Professionnelles connaît un nouvel essor souvent sous d’autres appellations issues des pratiques de l’intelligence collective ou des techniques de prises de décisions collectives.

Différentes façons de mener les groupes et quelques dérives

L’Analyse de Pratique a souffert de dérives qui lui ont parfois donné mauvaise presse, telles que :

  1. Le savoir théorique s’impose au terrain : les animateurs des groupes d’analyse de pratique ont alors tendance lors des séances qu’ils animent, à reporter toute action professionnelle décrite par les participants à des éléments théoriques, voire à comparer la conformité des actions décrites avec des principes édités par ailleurs et susceptibles de les guider

→ Le risque est une normalisation des pratiques mesurées selon des critères paramétrés (théoriques ou idéologiques ou institutionnels). Le professionnel qui s’est exprimé peut ressentir dans le retour du groupe et de l’animateur, une évaluation professionnelle (pointage publique devant le groupe de « l’erreur »). L’effet est à la fois un frein à toutes expérimentations et la production de récits « conformes ».

  • Le professionnel qui s’est exprimé devant le groupe devient l’objet de l’Analyse de Pratique en tant que personne. On considère dans ce type de groupe que l’action professionnelle est conditionnée par le rapport « acteur/situation/public » sur un plan psychologique, affectif et symbolique au sens des représentations et façons de penser : l’Analyse de Pratique tend alors vers  une analyse psychologique du professionnel.

→ Le reproche fait à cette façon de mener l’Analyse de Pratique est la mise en fragilité du professionnel qui s’exprime devant un groupe de pairs, lesquels peuvent montrer collectivement une tendance à se comporter en tribunal ou former des clans. On ne montre plus alors que défiance et masques.

Pour éviter ces deux dérives, nous posons comme base de travail

  • Que l’action professionnelle recèle des savoirs, des principes tout aussi valables que les savoirs théoriques, officiels.
  • Il s’agit pour les professionnels de conscientiser les principes qui guident leurs actions et ensemble de valider ce qui parait être efficace au moment présent dans la situation rencontrée, dans son contexte particulier, tout en vérifiant le respect de la déontologie et de la démarche professionnelle.
  • L’objectif est l’amélioration des pratiques professionnelles en-dehors de tout jugement personnel ou normatif.

L’éthique à l’œuvre dans le Groupe

C’est celle de la médiation : Confidentialité, neutralité bienveillante, non-jugement,

Emploi des outils de communication de la médiation tels que reformulation, questionnement d’accompagnement et de clarification, aide à la réflexion,

Accueil des divergences, doutes et interrogations.

Le rôle de l’animateur

Une fonction d’encadrement et de stimulation des idées :

Veiller aux règles acceptées par tous

Mettre en confiance

Soutenir, encourager, clarifier les échanges

Stimuler pour faire surgir de nouveaux axes de réflexion

Aider chacun à développer ses potentialités

Faire reflet au groupe de son fonctionnement

Proposer éventuellement de nouveaux outils

Quels enjeux pour la médiation ?

– La construction des contours d’une profession

– Une intention d’aide et de soutien collaboratif des professionnels, en vue de surmonter les difficultés rencontrées

– Une intention de formation continue et permanente

Le groupe, constitué d’environ une dizaine de personnes, peut être « fermé » ou « ouvert ».

Fermé : il se constitue avec les mêmes membres pour une période et un nombre de séances donnés, par exemple 5 séances de 4 heures réparties dans l’année civile. Avantages : apprendre à travailler ensemble, bien se connaître, pouvoir suivre l’évolution de chacun et du groupe dans le temps.

Ouvert : à tout moment les personnes peuvent entrer ou quitter le groupe. Avantages : maintenir une dynamique des représentations et des apports.

L’évaluation de la qualité de travail commun est faite oralement à la fin de chaque séance et par écrit à la fin d’un cycle.


[1] Fablet D, Connexions 2/2004 (no82) , p. 105-117